Retour à Groningen

Lors d’un voyage au nord des Pays-Bas organisé par l’homme qu’elle vient de rencontrer, l’auteure retrouve les traces de son enfance. Les deux amants viennent d’univers différents et ne parlent même pas la même langue pourtant, au fil de la route et de leurs passés respectifs, un lien unique va se nouer entre eux car ils ont beaucoup plus en commun que cette région de Groningen où leurs enfance se sont croisées.

C’est le témoignage d’un amour hors norme entre deux sexagénaires qui vont partager au cours d’une vie itinérante, écriture, peinture et drames familiaux. Dans cette autobiographie sans fard, l’auteure lève le voile sur une part de son enfance et se révèle à elle-même, réconciliée, libre pour son écriture à venir.

Sybille de Bollardière est auteure de plusieurs romans, Le défaut des origines, Ramsay 2004, (Prix Lafayette) Une femme d’argile, L’Editeur 2011, Les mauvais sentiments, La Passagère 2016, L’amour en zone inondable, La Passagère 2018. Membre de la S.A.D.N (Société des auteurs de Normandie), elle anime des ateliers d’écriture et dirige des livres collectifs.

Avril 2022


Broché 190 pages - 16 euros

ISBN 979-10-91145-24-4


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Extraits de Retour à Groningen :

" La peur, c’est le premier mot qui me vient quand je repense à ce jour de juillet 2015. Anvers – Rotterdam, file de gauche sur l’autoroute de l’angoisse. Les pneus des camions à hauteur des yeux comme des broyeurs immobiles prêts à se déporter pour vous engloutir. On roule depuis des lustres, la malbouffe se balade dans nos tripes, deux sandwichs trop mous avalés au Subway de la banlieue de Lille. Poulet, oignons doux, moutarde, salade, tomates et pain noir, le tout arrosé de Coca zéro. Le camion, son camion, un Traffic blanc malmené qui flirte avec les rails de sécurité, avale les kilomètres au son de Led Zeppelin. Sourde, aveugle, je n’entends que ma peur qui voudrait crier et se contente de maudire. Qu'est-ce que je fais là ? Sous l'épaisseur des nuages, mon histoire se décolle de moi comme une vieille peau. J'ai soixante-quatre ans, des kilos en trop, mais je fais encore illusion alors on continue ! C'est ma dernière bataille, je le sens, je ne veux pas la perdre et tant pis si celui qui conduit joue avec mes nerfs.

Blouson de cuir, jean crasseux et cheveux en bataille, mon bad boy sexagénaire n'est pas en reste lui non plus. Avec un AVC, et quelques stents, ses artères sont des capricieuses qui menacent de se rompre au moindre cahot sentimental. Nous avançons dans nos vies réciproques à tâtons. Il ne prend aucune précaution sur cette route de malheur qu'il s'enfile depuis vingt ans. Vingt ans d'allers et retours entre La Frise et la Normandie pour échanger des toiles contre quelques frusques, une voiture contre des hypothèques. Il roule tête baissée, les yeux rivés vers ce mur opaque de pluie que la file des poids lourds soulève en gerbes. Depuis des heures, nous n'avons plus pour horizon que cet océan de bitume où son camion vrombit en remontant vers le Nord. A l'arrière, un matelas en mousse jeté à même le sol, ma valise, quelques cabas en guise de sacs de voyages, des vêtements épars, un bidon d'huile, des canettes de bière et des bouteilles d'eau qui roulent au gré des mouvements de l'habitacle. Sieds (prononcer Si-eds) a tout gagné et tout perdu, il revient de loin et sa peine à lui, c'est le silence. Plus grand monde pour l’accueillir aux Pays-Bas en dehors de sa tante Nine qui continue de lui hurler ses conseils dans le combiné. Il téléphone en conduisant, son mobile à l'écran sillonné d'éclats, bloqué sur l'épaule, tandis que le chanteur de Led Zeppelin s'époumone entre deux accélérations." (...)


Nous nous sommes garés juste après la pharmacie. En marchant, je retrouve les couleurs, les souvenirs surgissent et une envie de pleurer me serre la gorge. Soudain, la maison est devant moi, elle n'a pas changé. Nous avons vécu là tous les quatre. Comment ai-je pu l’oublier ? Une grande maison mitoyenne aux murs blancs et aux fenêtres jaunes comme autrefois. En face, la pelouse où nous jouions avec les enfants du quartier. Je reste un moment les bras ballants. Des sensations m’envahissent, des images : une chambre sombre, un matelas sur le sol où je dormais, un tissu bleu sur une table, ma robe rouge à smocks, mes bottes blanches, un goût infect de poisson, la solitude, moi marchant sur le trottoir jusqu’à l’épicerie et là soudain, tout est gris à nouveau. Je voudrais rester, fouiller ma mémoire, les retrouver eux, mes petits-frères. Revoir leurs visages d’enfants mais rien, désespérément rien. Les photos d’eux en noir et blanc sont venues recouvrir mes souvenirs perdus. (...)

J’écris… Je crois tirer à bout portant mais je ne dis rien. Je romance, je falsifie, détourne, arrange et parfois je restaure, mais si peu. Il y a des familles qui se prêtent à l’écriture et d’autres comme la mienne, en lambeaux, où l’on soigne ses blessures à l’oubli. (...)


Alfred Hitchcock a dit qu'il fallait « Filmer les meurtres comme des histoires d'amour et les histoires d'amour comme des meurtres», alors j'écris caméra à l'épaule dans les pièces disparues en balayant l'espace. Il doit bien y avoir quelque chose d'oublié dans un coin, un détail qui expliquerait tout. Ecrire a modifié ma mémoire et maintenant je veux les retrouver tels qu'ils étaient et le décor tel que nous l'avons connu. Mais je n'ai plus de témoin. Quant aux lieux, ils n'existent plus que dans mes souvenirs. (...)


Ciel bleu, vent d’est. Réinventer l’amour, le sentiment, la façon d’être à deux hors des sentiers battus, « en marge ». Ne plus penser à la douleur, à la violence. Heureuse tout simplement, de ma vie, des jours qui passent, de la maison où nous vivons, de la caravane. Faire provision d’images et de mots. Le reste ne m’appartient pas. Sieds, un temps inquiet à l’idée que je devienne indispensable à sa vie, se détend. « On se comprend avec le cœur, on se touche avec nos yeux » m’a-t-il dit en partant pour les Pays-Bas. Nos âmes fraternisent en notre absence, il y a de l’indivisible entre nous, mais je n’oublie pas les prières et les dieux… (...)


C’est un rapport différent aux éléments, je le sens quand je travaille dehors, quand je marche au bord de la mer et souvent aussi, quand j'écris. C'est une histoire de carrure et de masse. Une femme, qui sourit, embrasse ou pleure et ce n’est plus si rare pour moi de pleurer maintenant. Un homme qui marche, écrit, souffle, éreinté par le poids d'une histoire.

Mes deux bras d'hommes quand je coupe du bois, quand je creuse.

Il y a toujours dans ma relation avec les hommes une part de fraternité, de camaraderie et d’amour. C’est aussi ma part d'homme qui les désire, les aime. (...)

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